Interpellé sur sa vision pour le développement du secteur minier au Maroc, à court et moyen termes, M. Ahmed Benjilany, Administrateur-Directeur général de la SACEM nous précise les dix points cardinaux. Voir ci-après développement :
Pour un développement harmonieux de notre secteur minier à court et moyen termes je le baserai sur 10 points qui ne sont pas forcément limitatifs :
Elaboration d’un cadre législatif adéquat. Les lois organisant les différentes activités minières voient souvent leurs décrets d’application tarder à voir le jour, laissant ces lois sans effet. Ces lois doivent en effet permettre un accès aisé aux domaines miniers et adaptés aux évolutions technologiques.
Harmonisation des secteurs et des lois relatifs aux substances métalliques et non métalliques. Les disparités techniques et technologiques entre l’exploitation des substances minières font que certains secteurs sont «à la pointe» (ex : les phosphates) d’autres sont «à la traine» (les métaux de base).
En plus des institutionnels, les petits producteurs (PME, Artisans, Permissionnaires,…) ont tout intérêt à chercher à bénéficier du savoir-faire des grands opérateurs en matière de recherche, de moyens de production et de commercialisation à l’échelle internationale.
Finalisation de la couverture du territoire national par des cartes géologiques thématiques. Il faut accélérer l’élaboration des cartes géologiques thématiques et à différentes échelles. Les Pouvoirs Publics avaient mis en place le Plan National de Cartographie Géologique (PNCG) qui visait à doter le pays d’une infrastructure géologique appropriée. Ce plan a été lancé en 1996, mais les résultats sont malheureusement restés en deçà des attentes: le taux de couverture en cartes géologiques pour l’ensemble du territoire national stagne à moins de 30% depuis le début des années 2000.
L’accès à ces cartes devrait permettre aux investisseurs de rechercher, par des moyens appropriés, des gisements aveugles indétectables depuis la surface. Ces cartes sont un outil incontournable de nature à encourager les opérateurs à investir dans les méthodes modernes de prospection (télédétection satellitaire, radiométrie, prospection géophysique aéroportée, …), méthodes qui permettraient par exemple de redonner vie aux anciennes mines (Ex : Ahouli Mibladen pour le plomb, la mine de Bouarfa pour le manganèse, …)
Les substances énergétiques et celles dites utiles doivent également faire l’objet de la même démarche afin de mieux cerner leurs formations géologiques (schistes bitumineux, uranium, marbres et roches ornementales, ….).
Adéquation entre formation-perfectionnement de base et besoins. Les écoles d’ingénieurs et les instituts tels que conçus il y a quelques années ont vu leur efficacité baisser à cause essentiellement de l’incompatibilité de la formation avec les besoins du secteur. Le secteur vit un dilemme: des jeunes ingénieurs au chômage et des entreprises qui manquent de profils adéquats. « Sans ressources humaines adéquates, il n’aura pas de ressources minières extraites »
Simplification des procédures et externalisation. Les démarches administratives pour la gestion du «secteur» doivent être réduites et simplifiées. Les offices chargés de la recherche et du développement doivent être démultipliés et encouragés fiscalement et financièrement.
Consolidation de la prospection des métaux stratégiques. Le Maroc est un pays à tradition minière (cuivre et étain à l’époque Phénicienne, plomb et argent au 9ème siècle). Il a toujours su adapter sa production minière aux besoins des marchés. L’évolution technologique ainsi que l’apparition de besoins diversifiés et croissants ont amené le pays à orienter la recherche minière vers les métaux précieux (or, argent, platine), certains métaux stratégiques (titane, vanadium, tungstène, …), les métaux non ferreux (cuivre, plomb, zinc). Il en est allé de même pour les substances non métalliques (céramique, réfractaires, …). Les substances énergétiques telles que les schistes bitumineux, l’uranium sont également une réponse aux besoins des marchés.
Industrialisation. Autant la découverte des gisements a connu une faible croissance ces dernières décennies, autant la valorisation des minerais (y compris les phosphates) a évolué et permis l’exploitation de grandes quantités de minerai valorisé.
A terme, un objectif stratégique est d’arriver à fabriquer des produits finis à forte valeur ajoutée. Il sera pertinent que l’industrie minière marocaine puisse arriver à la production de “métal pur” (99.99%) pour la quasi-totalité des non ferreux (cuivre, zinc, …)
Commercialisation. Ce volet fait particulièrement défaut, surtout chez les institutionnels. Une veille technologique et commerciale méthodique et organisée aidera le secteur à anticiper aussi bien sur les opportunités commerciales que sur les évolutions technologiques.
Nouvelles technologies digitales. L’industrie minière doit se concentrer sur l’amélioration de la productivité, mais la nature de cette activité est restée sans grands changements pendant des décennies. L’amélioration des performances de productivité exige de repenser le fonctionnement opérationnel. De telles améliorations peuvent être obtenues grâce à des technologies numériques qui pourraient transformer des aspects clés de l’exploitation minière. Certaines applications de ces technologies permettent une meilleure vue d’ensemble des données du gisement et des ressources, l’optimisation des flux et des équipements, l’amélioration de la maintenance anticipative, l’augmentation de la mécanisation par l’automatisation et enfin le suivi des performances en temps réel.
La RSE et le développement durable. Le développement humain durable et son écosystème occupe une place de toute importance dans les préoccupations des entreprises minières et ce depuis la nuit des temps. Elles ont ainsi naturellement et pleinement adopté le nouveau paradigme de l’industrie extractive, une croissance durable, partagée et inclusive se basant sur quatre piliers: la bonne gouvernance, l’intégration économique, le respect de l’environnement et du principe de durabilité́ et enfin, le respect des droits des populations, avec en exergue, la question climatique.
Convaincues qu’un tel comportement responsable, prenant en compte la globalité des paramètres, est la condition nécessaire d’une performance économique viable, ces entreprises veillent à adopter une attitude de solidarité dans le cadre de leurs activités.
Les mines étant en général situées dans des régions isolées, cette industrie a toujours apporté dans son sillage un début de qualité de vie : éducation (écoles), santé, assistance médicale, infrastructure (routes et voies d’accès), environnement et espaces verts, préservation écosystème … L’inscription dans le long terme de l’activité minière fait que l’ensemble des concernés se retrouve dans une relation win-win.